Edith Piaf tels in January 1949, in her first written confidences for France Dimanche, about her stolen youth and how she liked to listen to her own records :
Je n'avais que ma jeunesse et c'est la première chose que l'on me vola.
Je l'appris un soir de décembre 1935. Le mois de mon anniversaire que personne, bien entendu, ne m'avait souhaité.
J'avais enregistré mon premier disque. Ça s'appelait : Faites-moi valser.
Un premier disque, c'était un peu, pour une fille telle que moi, comme la première robe du soir, pour une jeune fille du monde qui va à son premier bal. Celle-ci aime se regarder dans la glace et sentir ensuite l'admiration de son entourage.
Moi, je voulais m'écouter et savoir surtout si on m'écoutait.
Ce fut mon premier choc. Ça se passait dans une de ces « boîtes à musique » du boulevard des Italiens où moyennant une pièce de cinq sous en nickel, on écoutait les derniers succès.
Bien plus menue qu'aujourd'hui j'entrai. Discrètement je passai derrière les amateurs de musique, lorgnant le cadran lumineux pour voir si c'était « mon » disque qu'on écoutait.
Enfin, je trouvai un couple. Cinquante ans. Petits bourgeois. Elle et lui avaient chacun un écouteur. Et ils m'écoutaient...
Moi, je les regardais.
Quand ce fut fini, je me glissai près d'eux attendant, ongoissée, leur verdict.
Lui disait : - Elle chante bien.
Elle répondait avec une petite moue : - Oui, mais elle a de la bouteille.
- Mais non, elle est jeune.
- Penses-tu, elle a au moins cinquante ans. D'ailleurs on dit qu'elle a vécu...
Moi, je partis dégonflée. Seule sur les boulevards. Et ce soir-là pendant une heure j'eus cinquante ans. C'était très lourd à porter dans mon coeur. Car mon coeur était jeune...
Source image collection dzjon (DZJ-01-0060-FR-2003) :
François Lévy - Passion. Edith Piaf - 2003 - Page 46.
Source text collection dzjon (DZJ-02-0003- FR-1949) :
France Dimanche - Sunday, January 23, 1949 - Page 2.